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Expertise judiciaire construction

expertise judiciaire construction
expertise judiciaire construction

Phrase de protection de l’auteur : cet article est fourni à titre informatif et général. Il ne constitue ni un conseil juridique, ni un avis technique ou d’assurance. Pour un cas concret, rapprochez-vous d’un professionnel (avocat, expert, assureur) et référez-vous aux textes et à vos contrats.

Une maison neuve qui fissure. Une infiltration qui revient après chaque pluie. Une baie vitrée qui ferme “quand elle veut”. Et en face, la phrase classique : « on va regarder »… puis plus rien. Si vous êtes là, c’est que vous sentez que le dossier est en train de vous échapper. Si la phase amiable ne même à rien……

L’expertise judiciaire construction sert précisément à ça : remettre de la méthode, de la preuve, et du contradictoire dans un problème technique. On sort du “ça me semble” pour entrer dans le “voilà ce qui est constaté, pourquoi, et comment réparer”.

Je vous explique ici l’expertise judiciaire construction de façon très terrain : les préliminaires, le cas particulier de la DO, le rôle des avocats, de l’expert de justice, des experts des parties, les étapes, et les recours quand quelqu’un refuse les conclusions.

Expertise judiciaire construction : à quoi ça sert (vraiment) ?

L’objectif n’est pas “d’avoir un rapport”. L’objectif est d’obtenir une base technique opposable (parce que contradictoire), et exploitable ensuite devant le juge ou dans une négociation.

  • Constater les désordres (et arrêter le débat “ça existe / ça n’existe pas”)
  • Rechercher les causes (conception, exécution, matériaux, défaut d’étude, sol…)
  • Proposer des solutions de reprise (techniques, phasage)
  • Faire chiffrer les travaux (et parfois certains préjudices liés aux travaux, si c’est demandé et objectivable)
  • Clarifier la chaîne d’intervenants et les imputations techniques

Les préliminaires à l’expertise judiciaire construction

Avant de saisir le juge, certaines démarches sont quasi incontournables en pratique : elles rendent votre demande solide, et elles évitent de “cramer” une preuve.

Monter un dossier lisible (pas un mille-feuille)

Posez-vous une question simple : un tiers comprend-il votre chantier en 3 minutes ? Si la réponse est non, vous allez subir l’expertise au lieu de la piloter.

  • Photos/vidéos datées (idéalement avec repères et vues d’ensemble)
  • Contrat (CCMI ou marchés), plans, notices descriptives, avenants
  • Précédentes expertises contradictoires (en phase amiable)
  • PV de réception, réserves, levée des réserves
  • Comptes rendus de chantier, échanges mails/courriers
  • Devis de reprise, constats (commissaire de justice si besoin)
  • Une chronologie “date → événement → conséquence”

Mise en demeure : pertinence et intérêt

La mise en demeure n’est pas juste “un courrier qui fait peur”. Bien rédigée, elle sert à :

  • fixer clairement ce que vous reprochez (désordres, non-conformités)
  • demander une action précise (réunion sur site, reprise, réponse)
  • poser un délai
  • et laisser une trace propre en cas de blocage

Et oui : parfois, elle suffit à réveiller un interlocuteur qui “oublie” de répondre.

Attention à la preuve : ne réparez pas “dans votre coin”

C’est tentant, surtout quand l’eau rentre. Mais si vous réparez avant d’avoir fait constater, vous pouvez détruire la preuve. En cas d’urgence : faites constater (photos + constat si possible), informez les parties, et documentez tout.

Dommages-ouvrage (DO) : mobilisable, refusée, ou “qui traîne”

Quand une DO existe, elle vise à permettre la réparation rapide de désordres de nature décennale, sans attendre qu’une décision de justice établisse les responsabilités. Sur le terrain, la difficulté vient souvent de la qualification : est-ce bien décennal ? Et de la position de l’assureur : accord, refus, ou position partielle.

“Le débat DO doit être purgé” : ce que ça veut dire concrètement

Ce n’est pas une formule magique. C’est une logique : avant de lancer une bataille judiciaire complète, on sécurise le volet DO pour éviter un dossier bancal.

  • Déclarer le sinistre correctement
  • Produire les pièces demandées
  • Obtenir une position écrite (garantie / refus / partiel)
  • Contester si nécessaire (réclamation, puis médiation)
  • Et seulement ensuite, choisir l’action judiciaire la plus pertinente

Repère utile : la DO est encadrée par des délais (par exemple, une offre d’indemnité est attendue dans un délai maximal de 90 jours dans le schéma standard, avec des aménagements selon les cas). Vérifiez toujours votre situation exacte et les pièces “complètes” demandées. (Voir liens utiles.)

Si la DO refuse : pourquoi l’expertise judiciaire construction redevient centrale

Quand la DO refuse, l’expertise judiciaire construction sert souvent à objectiver la nature des désordres, leur cause, et le coût des reprises. C’est le socle technique qui peut ensuite :

  • relancer une discussion d’indemnisation
  • préparer une action au fond (responsabilités)
  • ou sécuriser des travaux urgents (avec preuve conservée)

Référé-expertise et article 145 CPC : l’entrée la plus fréquente

Dans beaucoup de dossiers, l’expertise judiciaire construction commence par un référé-expertise fondé sur l’article 145 du Code de procédure civile. L’idée est simple : si vous avez un motif légitime de conserver ou d’établir une preuve avant tout procès, le juge peut ordonner une mesure d’instruction (donc une expertise) “en amont”.

Référé ou requête ?

On voit deux voies :

  • Le référé (contradictoire) : l’adversaire est appelé, on débat, le juge décide.
  • La requête (non contradictoire) : plus rare et encadrée, utilisée quand l’effet de surprise est nécessaire (à manier avec prudence).

Votre avocat choisit la voie la plus cohérente avec votre dossier.

Les règles du jeu pendant l’expertise (CPC, articles 263 et suivants)

Une expertise judiciaire, c’est du contradictoire : convocations, échanges de pièces, observations écrites (“dires”). C’est pour ça qu’un dossier organisé fait gagner un temps fou : vous ne “subissez” plus, vous répondez point par point.

Avocats, expert de justice, experts des parties : qui fait quoi ?

Les avocats (rôle)

L’avocat ne sert pas seulement à “plaider”. En expertise judiciaire construction, il :

  • choisit la procédure (référé, fond, stratégie DO)
  • identifie toutes les parties à appeler (et leurs assureurs)
  • rédige/valide la mission d’expertise (les questions posées)
  • prépare les réunions, et cadre les dires

Une mission mal rédigée, c’est un rapport qui passe à côté de l’essentiel. Et un rapport “à côté”, c’est du temps perdu.

L’expert de justice (rôle)

L’expert judiciaire est un technicien désigné par le juge. Il mène les opérations : il convoque, constate, analyse, demande des pièces, propose des investigations, et rédige un rapport. Il éclaire le juge sur le technique. Le juge, lui, tranche le juridique.

L’expert des parties (rôle)

Votre expert privé n’est pas “contre” l’expert judiciaire. Il est à côté de vous, pour :

  • vous aider à comprendre ce qui se joue techniquement,
  • préparer vos observations (dires),
  • discuter les méthodes de reprise,
  • et repérer les angles morts.

Quand l’enjeu est fort, c’est souvent lui qui vous évite le classique : « ah, on aurait dû demander ce test… »

Les parties à l’expertise judiciaire construction : qui se retrouve autour de la table ?

Selon le chantier : maître d’ouvrage, constructeur, entreprises (gros œuvre, étanchéité, plomberie…), maître d’œuvre/architecte, BET, contrôleur technique, sous-traitants, assureurs (DO, décennales/RC), parfois fournisseurs.

Ça fait du monde, oui. Mais c’est aussi la réalité d’un chantier : une chaîne. L’expertise sert à remettre de l’ordre dans cette chaîne.

Les phases de l’expertise judiciaire construction

Ordonnance de désignation

Le juge désigne l’expert, fixe la mission, et la consignation à verser. C’est la feuille de route.

Réunion de lancement

Convocations, premières pièces, méthode. Arrivez avec : une chronologie, des photos triées, et vos questions prioritaires.

Opérations sur site

Constats, mesures, tests, sondages si nécessaire. Le contradictoire est central : tout le monde doit pouvoir voir, discuter, proposer.

Dires

Vos observations écrites. Conseil simple : des phrases courtes, des demandes précises, et des pièces jointes. Si vous contestez une hypothèse, proposez une investigation alternative.

Pré-rapport / note de synthèse

Souvent, l’expert partage une orientation. C’est le moment de réagir si une conclusion part de travers.

Rapport final

Désordres, causes, imputations techniques, solutions de reprise, chiffrage. C’est la base de la suite : accord, provision, ou action au fond.

Le but de l’expertise : ce que vous devez viser

Une bonne expertise judiciaire construction, c’est :

  • une preuve technique solide
  • un levier de négociation
  • un support pour une décision du juge
  • et parfois la sécurisation de travaux urgents
  • Il est bon de préciser que les parties peuvent arriver à un accord en cours d’expertise judiciaire, dans ce cas le rapport pourrait être rendu  » en l’état »

La vraie question : « Est-ce que l’expertise fait sortir le dossier du flou ? »

Refus des conclusions : quels recours ?

Quelqu’un refuse le rapport ? Très fréquent. Et ce n’est pas “la fin”.

  • Pendant : dires, demandes d’investigations, contradictions.
  • Après : demande de complément, critique motivée, voire nouvelle expertise si c’est justifié.
  • Au fond : le juge apprécie les preuves et tranche.

L’expert judiciaire peut-il être recherché en responsabilité s’il se trompe ?

Oui, dans certaines conditions. Ce n’est pas automatique et ce n’est pas “facile” : on vise plutôt des fautes dans l’accomplissement de la mission (méthode insuffisante, manquements au contradictoire, conclusions imprécises, etc.). C’est à analyser au cas par cas avec un avocat.

Checklist : avant de demander une expertise judiciaire construction

  • Chronologie + photos + pièces contractuelles : OK ?
  • Mise en demeure envoyée (et conservée) : OK ?
  • DO existante : procédure engagée et position claire : OK ?
  • Toutes les parties identifiées (intervenants + assureurs) : OK ?
  • Mission d’expertise : questions claires + investigations possibles : OK ?
  • Le montant des dommages vaut il le coup d’aller devant le judiciaire ? une telle procédure coûte cher
  • Évaluer les chances de réussite, se préparer psychologiquement, ces procédures sont longues, les tribunaux sont encombrés

Liens utiles :

Mission type pour une expertise judiciaire construction – maison individuelle neuve CCMI(à titre d’exemple non exhaustif)

À titre d’exemple non exhaustif, voici une trame de mission souvent utilisée sur un chantier neuf de maison individuelle. Elle est à adapter aux désordres et aux intervenants.

1) Se faire communiquer et analyser les pièces

  • contrat (CCMI ou marchés), avenants, notices,
  • plans, études (sol, structure, thermique), notes de calcul si existantes,
  • échanges, planning,
  • PV de réception, réserves, levée des réserves, DOE si disponible,
  • attestations d’assurances (DO, décennales/RC pro) et déclarations de sinistre.

2) Décrire l’ouvrage et l’état des lieux

  • décrire l’ouvrage (techniques, fondations, réseaux…),
  • fixer les dates clés (chantier, réception, apparition des désordres),
  • localiser les désordres et établir un état descriptif.

3) Constater les désordres et non-conformités

  • constater la nature, l’ampleur et l’évolution des désordres,
  • dire s’ils étaient apparents ou non à la réception,
  • relever les non-conformités aux documents contractuels/techniques.

4) Rechercher les causes techniques

  • rechercher les causes probables (conception, exécution, matériaux, défaut d’étude…),
  • proposer des investigations (mesures, sondages, tests, caméras…) si besoin,
  • préciser les méthodes retenues et leurs limites.

5) Dire l’imputabilité technique

  • identifier les intervenants concernés,
  • dire si l’origine est liée à la conception, l’exécution, la coordination…
  • proposer une répartition technique (sans trancher le droit).

6) Apprécier la gravité

  • dire si l’ouvrage est impropre à sa destination / solidité compromise,
  • dire s’il existe un risque d’aggravation ou un enjeu de sécurité.

7) Proposer les travaux de reprise et mesures conservatoires

  • décrire les solutions de reprise (principe, méthode, phasage),
  • dire s’il faut des mesures urgentes (mise hors d’eau, étaiement…).

8) Faire chiffrer les travaux de remise en état et préjudices techniques ou autres……

  • faire chiffrer les travaux (poste par poste) et les travaux induits,
  • si demandé : évaluer certains postes annexes (relogement, perte de jouissance…) quand c’est objectivable.

9) Encadrer le contradictoire

  • fixer un calendrier de production de pièces et de dires,
  • prévoir un sapiteur si nécessaire (géotechnique, thermique, étanchéité…).

FAQ

Une expertise judiciaire construction, c’est forcément long ?

Souvent oui (plusieurs mois). Mais c’est aussi ce qui rend le rapport solide : convocations, pièces, investigations, contradictoire.

Référé ou action au fond : je choisis comment ?

Le référé sert souvent à obtenir rapidement un expert (preuve). L’action au fond vise la responsabilité et l’indemnisation. La stratégie dépend de l’urgence, de la DO, et de la situation des travaux.

Que faire si la DO refuse ?

Clarifiez la position de l’assureur, contestez si nécessaire, puis utilisez l’expertise judiciaire construction pour objectiver la nature des désordres et le coût des reprises.

Puis-je faire des travaux avant la fin ?

Évitez de détruire la preuve. En urgence : constat, photos, information des parties, et traçabilité des réparations.

Peut-on contester un rapport ?

Oui : dires, demandes de complément, critiques motivées, et débat au fond. Le juge tranche au final.