
Trouble anormal de voisinage (TAV) : guide complet (copropriété et maison) + mise en demeure, médiation, preuves
Phrase de prudence : cet article est rédigé à titre informatif et général ; il ne constitue pas un conseil juridique et l’auteur ne saurait être tenu responsable d’un usage inadapté à votre situation (chaque dossier dépend des faits, des preuves et du contexte), il vous appartient de vérifier chaque source avant emploi.
Vous supportez les “petits bruits de la vie”. Mais quand ça devient répétitif, intense, durable, et que vous commencez à adapter votre quotidien (fenêtres fermées, sommeil haché, stress…), on n’est plus sur une simple gêne : on parle potentiellement de trouble anormal de voisinage.
L’objectif n’est pas de “gagner contre quelqu’un”. L’objectif, c’est de retrouver une vie normale et, si possible, un voisinage vivable.
Trouble anormal de voisinage : définition et principe légal
Le principe est posé dans le Code civil (article 1253) : le propriétaire, le locataire, l’occupant (ou certaines personnes ayant la maîtrise de l’usage) qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable du dommage qui en résulte.
En clair, on ne juge pas seulement “ce qui dérange”, mais ce qui dépasse ce qu’on peut raisonnablement tolérer, compte tenu notamment : de l’intensité, de la répétition, de la durée, des horaires, du contexte (quartier, type d’immeuble, environnement) et de l’impact concret (sommeil, santé, usage normal du logement).
Trouble anormal de voisinage : quels troubles sont concernés
Trouble anormal de voisinage : les nuisances sonores
Fêtes, musique, cris, disputes, bruits d’impact (talons/chocs), bricolage, travaux, aboiements, ou encore équipements (VMC, climatisation, pompe à chaleur, extracteur…).
Pour le bruit, le Code de la santé publique (R1336-5) vise un bruit particulier qui, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porte atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé. Et lorsque des mesures sont réalisées, l’émergence est encadrée (R1336-7 : 5 dB(A) le jour / 3 dB(A) la nuit, avec un correctif selon la durée).
Trouble anormal de voisinage : les nuisances olfactives
Odeurs persistantes de cuisine, restaurant, barbecue récurrent, ordures, animaux, fumées… Les nuisances olfactives peuvent être sanctionnées si elles dépassent les inconvénients normaux du voisinage.
Trouble anormal de voisinage : vibrations, poussières, fumées
Machines, atelier, caisson de basses, chantier mal maîtrisé, poussières récurrentes, vibrations d’un équipement (PAC, groupe froid)…
Trouble anormal de voisinage : lumière et visuel
Projecteurs braqués vers chez vous, éclairage permanent, dépôts durables d’encombrants (gêne visuelle et perte de jouissance).
Trouble anormal de voisinage : eau et ruissellement
Écoulements, infiltrations, ruissellement aggravé par un aménagement : ces situations se traitent souvent avec un mix “technique + preuve + responsabilité”.
Trouble anormal de voisinage en copropriété : règlement, syndic et leviers
En copropriété, vous avez souvent plus de leviers parce qu’il existe un cadre interne.
Le principe de base en copropriété
La loi du 10 juillet 1965 (article 9) rappelle que chaque copropriétaire use librement de ses parties privatives et des parties communes, à condition de ne pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.
Le règlement de copropriété
Le règlement peut encadrer certains usages (horaires, activités, conditions), mais les restrictions doivent être justifiées par la destination de l’immeuble.
Le rôle du syndic (pratique)
Le syndic n’est pas “la police”, mais il peut rappeler le règlement, écrire à l’occupant, mettre en demeure, inscrire une question à l’ordre du jour et soutenir une démarche collective. Un message au syndic avec un journal des nuisances + 2 preuves vaut souvent mieux qu’une série d’appels.
Trouble anormal de voisinage en maison individuelle : démarches et interlocuteurs
En maison individuelle, il n’y a pas de règlement de copropriété pour cadrer les usages. Les conflits portent souvent sur des équipements (pompe à chaleur, tondeuse, atelier), des usages du jardin (soirées, barbecue), la lumière, la végétation ou le ruissellement.
La force du dossier vient vite de : constater, documenter, formaliser. Selon la nuisance, la mairie/police municipale peut intervenir (notamment pour le bruit) et un conciliateur de justice peut aider si le dialogue est bloqué.
Trouble anormal de voisinage : antériorité et cas “campagne”
La loi du 15 avril 2024 (n° 2024-346) a encadré la notion de troubles anormaux du voisinage et prévoit notamment une règle liée à l’antériorité de certaines activités, avec un régime spécifique pour certaines activités agricoles.
En milieu rural, le Code de l’environnement (article L110-1) intègre les “sons et odeurs” caractérisant les milieux naturels dans le patrimoine commun de la Nation, dans le prolongement de la loi du 29 janvier 2021 (n° 2021-85) sur le patrimoine sensoriel des campagnes.
Traduction humaine : emménager “à côté de quelque chose qui existait déjà” peut compliquer la discussion… mais ça n’efface pas automatiquement une nuisance, surtout si elle s’intensifie ou change.
Trouble anormal de voisinage : prouver et constituer un dossier solide
Dans les conflits de voisinage, ce n’est pas “celui qui crie le plus fort” qui a le meilleur dossier : c’est celui qui prouve le plus clairement. L’objectif est de sortir du “parole contre parole”.
- Tenir un journal des nuisances (dates, heures, durée, description, impact)
- Conserver les échanges écrits (messages, mails)
- Recueillir des témoignages (voisins, proches qui constatent)
- Faire des photos/vidéos factuelles
- Envisager un constat de commissaire de justice si le trouble est nié ou dure
- Mesures ou expertise si la nuisance est technique (PAC, vibrations, émergence)
Trouble anormal de voisinage : rôle de l’expert
L’expert devient précieux quand la nuisance est technique (pompe à chaleur, VMC, vibrations), contestée, ou quand il faut proposer une solution “chiffrée” et réaliste (réglage, silent-blocs, déplacement, isolation…).
- Expertise amiable : plus rapide, orientée solution
- Expertise judiciaire : rapport opposable, souvent décisif si le litige monte
Trouble anormal de voisinage : conciliation et médiation avant le juge
Avant d’aller au tribunal, certains litiges civils doivent être précédés d’une tentative de règlement amiable (article 750-1 du Code de procédure civile), avec des exceptions.
Dans la vraie vie, l’amiable n’est pas un “passage obligé” inutile : c’est souvent le moment où le conflit redevient rationnel.
- Conciliateur de justice : gratuit, adapté aux conflits de voisinage
- Médiation : souvent payante, utile quand la relation est très dégradée ou le dossier complexe
Trouble anormal de voisinage : mise en demeure, intérêt et méthode
La mise en demeure, c’est le passage du “je vous l’ai déjà dit” à une demande formelle, datée, cadrée. Elle sert à fixer un cadre clair et un délai, et à renforcer votre dossier (amiable et, si besoin, judiciaire).
Mise en demeure : c’est quoi ?
Le Code civil (article 1344) prévoit que le débiteur est mis en demeure par une sommation ou un acte portant interpellation suffisante (en pratique : un courrier formel, clair, souvent envoyé en recommandé).
Mise en demeure : pourquoi c’est souvent le bon “cran”
- Prouve que vous avez demandé clairement la cessation du trouble
- Fixe un délai : on voit nettement si le trouble continue après
- Montre une posture raisonnable : faits, preuves, demande précise
- Prépare la conciliation/médiation et la suite si nécessaire
Mise en demeure : à qui l’envoyer ?
- À l’occupant à l’origine du trouble (propriétaire ou locataire)
- En copropriété : mettre le syndic en copie
- Si l’auteur est locataire : envoyer aussi au bailleur (copie), ce qui peut accélérer la résolution
Mise en demeure : quoi écrire (simple et efficace)
- Faits précis (dates/heures/fréquence) + impact concret
- Demande claire (cesser / réduire / faire régler / déplacer l’équipement)
- Délai raisonnable (souvent 8 à 15 jours selon les cas)
- Ouverture à une solution amiable (conciliation / médiation)
- Ton ferme mais sobre (éviter menaces, insultes, procès d’intention)
Trouble anormal de voisinage : protection juridique et prise en charge
Avant de payer un avocat ou un expert “de votre poche”, vérifiez si vous avez une protection juridique (souvent incluse dans l’assurance habitation ou en option). Elle peut fournir des services (information, accompagnement) et prendre en charge certains frais.
Le Code des assurances (article L127-1) définit l’assurance de protection juridique comme la prise en charge de frais de procédure ou la fourniture de services en cas de litige avec un tiers, notamment pour défendre, représenter ou obtenir réparation à l’amiable.
Trouble anormal de voisinage : plan d’action simple (copropriété & maison)
- Documenter (journal + preuves)
- Dialoguer une fois, calmement
- Écrire (courrier simple factuel)
- Envoyer une mise en demeure (LRAR) avec un délai
- Tenter conciliation/médiation si blocage
- Faire une expertise si c’est technique ou contesté
- Saisir le tribunal si tout échoue (cessation + réparation)
Checklist trouble anormal de voisinage
Checklist preuves (copropriété et maison)
- Journal des nuisances (date / heure / durée / nature / impact)
- Témoignages (si possible plusieurs)
- Photos / vidéos factuelles
- Captures d’échanges (messages/mails)
- Courriers conservés (dont LRAR) + accusés de réception
- Constat de commissaire de justice si contestation
- Mesures / expertise si nuisance technique (PAC/vibrations/émergence)
Checklist copropriété
- Relire le règlement de copropriété
- Vérifier la destination de l’immeuble
- Écrire au syndic avec preuves
- Demander inscription à l’ordre du jour si besoin
- Si voisin locataire : copie au bailleur
Checklist maison individuelle
- Identifier la source exacte (appareil/activité/horaires)
- Vérifier la répétition (fréquence + durée)
- Envisager une expertise amiable si technique
- Saisir un conciliateur si dialogue bloqué
Checklist mise en demeure
- Faits datés + exemples concrets
- Demande claire + délai
- LRAR envoyé + copie conservée
- Copie syndic (copropriété) / bailleur (si locataire)
- Proposition de conciliation/médiation
Liens utiles
- Code civil – article 1253 (trouble anormal de voisinage)
- Loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 (adaptation du droit de la responsabilité / troubles de voisinage)
- Code civil – article 1344 (mise en demeure)
- Code de procédure civile – article 750-1 (tentative amiable préalable)
- Code de la santé publique – article R1336-5 (bruits de voisinage)
- Code de la santé publique – article R1336-7 (émergence)
- Service-public – Troubles de voisinage : bruits (F612)
- Service-public – Troubles de voisinage : nuisances olfactives (F19299)
- Service-public – Modèle : mise en demeure de cesser les nuisances de voisinage
- Service-public – Conciliateur de justice (F1736)
- Ministère de la Justice – Le conciliateur de justice
- Service-public – Garantie protection juridique (F3049)
- Code des assurances – article L127-1 (définition protection juridique)
- Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 – article 9 (copropriété)
- Code de l’environnement – article L110-1 (sons et odeurs, patrimoine commun)
- Loi n° 2021-85 du 29 janvier 2021 (patrimoine sensoriel des campagnes)
FAQ – Trouble anormal de voisinage
Trouble anormal de voisinage : est-ce que je dois prouver une faute ?
Pas forcément : l’enjeu principal est de démontrer que le trouble dépasse les inconvénients normaux du voisinage et qu’il vous cause un dommage (perte de jouissance, sommeil, etc.).
Trouble anormal de voisinage : en copropriété, le syndic doit-il agir ?
Le syndic peut aider (rappel du règlement, courriers, mise en demeure, ordre du jour), mais un dossier solide repose sur des faits et des preuves, pas sur des ressentis.
Trouble anormal de voisinage : la mise en demeure sert à quoi si le voisin s’en fiche ?
Elle fixe un cadre clair et un délai, et elle prouve que vous avez formalisé une demande de cessation du trouble. C’est un jalon utile avant conciliation ou action judiciaire.
Trouble anormal de voisinage : la tentative amiable est-elle obligatoire ?
Selon la nature du litige, l’article 750-1 du Code de procédure civile impose une tentative amiable préalable, avec des exceptions. En pratique, l’amiable renforce presque toujours votre dossier.
Trouble anormal de voisinage : faut-il des décibels pour prouver le bruit ?
Non, pas toujours. Mais si la nuisance est technique ou contestée (PAC, vibrations, émergence), des mesures et/ou une expertise peuvent rendre le dossier beaucoup plus robuste.
Trouble anormal de voisinage : ma protection juridique peut-elle aider ?
Oui : elle peut fournir de l’information, vous orienter, et prendre en charge certains frais selon votre contrat (plafonds, carences, exclusions).